Glucose toujours, le média qui en dit long sur le diabète

Pourquoi le droit de critiquer le monde du diabète est vital

Qu’est-ce qui est plus difficile que de rester dans la cible glycémique ? Critiquer un évènement sur le diabète sans déclencher un tsunami ! Depuis la publication de notre reportage sur la Journée mondiale du diabète organisée d’un côté par l’association Type 1 Family, et de l’autre par l’association Oasis de la Santé (avec Diabète Santé, les Déesses sucrées, Diabète Alternatives), nous avons reçu une avalanche de contestations… jusqu’à un appel au désabonnement. À la rédaction, ça laisse un arrière-goût de 0,54 g/L et une question persiste : est-il encore possible d’avoir une voix dissidente dans le milieu du diabète ?

Pourquoi le droit de critiquer le monde du diabète est vital
montage de Glucose toujours
  • Les faits (sans édulcorant)

    Mercredi 26 novembre, un article est mis en ligne sur notre site : “Une Journée mondiale du diabète vraiment pas comme les autres(à lire ici). Signé par Ana Waalder, journaliste scrutée de près par les services secrets des labos, de la CIA des prestataires de santé à domicile (PSAD) et de la DGSI des associations de patients, l’article décrit deux évènements JMD.
    Il se concentre en particulier sur le second, celui porté par Oasis de la Santé, une association créée par le prestataire de santé à domicile Diabète Santé. L’objectif est d’alerter sur la pente très glissante des associations qui fricotent avec l’industrie pharma.

     

    Il n’en fallait pas plus : sur les réseaux, on a pu lire des “Mais vous ne parlez à aucun moment de l’ambiance de folie !”, “Des rencontres inspirantes et profondes !”, de “La seule conclusion qui compte ? 320 sourires”, ce qui n’était absolument pas le sujet de l’article.

     

    Notre journaliste n’a jamais mis en doute que les participants aient passé une belle journée. Elle n’a pas non plus critiqué les conférences, ni la mobilisation, ni la joie. Le sujet, c’était la présence des labos. Point. Et presque aucun commentaire n’a contesté ce point.


    Personne ne semble gêné que la loi interdise aux laboratoires de parler directement aux patients, et qu’ils rusent pour contourner la réglementation. C’est pourtant là que se joue l’essentiel : la frontière entre soutien et influence, et la manière dont ces présences, masquées ou non, orientent nos vies de patients.

     

  • Méfiance : un réflexe de survie diabétique

    Quand un industriel ou un prestataire de santé à domicile finance un évènement, la vigilance n’est pas un luxe : c’est un devoir. “Oui mais c’était TOTALEMENT GRATUIT” a rétorqué une participante, dans l’un des 80 commentaires sur Instagram. Vous connaissez la règle : si c’est gratuit, c’est vous le produit. Dans ce cas précis, la gratuité sert de paravent.

    Derrière, il y a des objectifs très concrets : prescrire des dispositifs médicaux, renforcer une image de marque, attirer vers des prestations, vendre des croisières bien-être en Grèce.

     

    Le coût réel pour les patients, lui, est élevé : c’est un coût en indépendance, en confiance, en liberté de choix et en capacité d’analyse critique. Et cela, des madeleines à IG bas ne le compensent pas.

  • “Vivre mieux” est essentiel. Mais vivre sans diabète reste l’objectif.

    Les événements soutenus par les labos et les PSAD créent une illusion : ils nous aideraient à vivre mieux avec notre diabète. C’est évidemment essentiel d’apprendre à mieux vivre avec sa maladie. Mais pas au détriment de l’objectif ultime : ne plus avoir de diabète. 

    Si nous savions que les laboratoires et autres acteurs économiques du diabète travaillaient d’arrache-pied à l’éradication de la maladie, nous nous sentirions vraiment soutenus.

     

    Parce que c’est cela notre objectif. Qui, parmi nous, préfère bien vivre avec son diabète au lieu de le voir guéri ?

     

    À force de promouvoir le “mieux vivre” avec le diabète, on finit par oublier l’essentiel. Notre message devrait être clair, unanime, indiscutable : guérissez-nous

     

    En attendant une cure, se rapprocher de ses pairs, via des associations, est nécessaire. Mais nul besoin d’y greffer des prestataires de santé et des labos.

     

    Le nouvel écosystème que les réseaux sociaux ont vu naître, avec des influenceurs, des expériences “holistiques”, des salons, des conférences, parfois de bonne qualité, soutenu par les laboratoires financièrement et humainement, c’est autant de budgets qui ne vont ni à la recherche, ni à l’amélioration des soins, ni à la fin du diabète.

     

    Qu’on soit clair : ce ne sont pas les labos du diabète qui travaillent à la cure. Novo Nordisk a récemment renoncé à nous guérir en fermant son unité de thérapie cellulaire. Ce sont des équipes de recherche publique, sous-financées, souvent invisibles, sans stands Instagrammables, qui travaillent dessus. Ce sont des start-ups d’ingénieurs super bien valorisés. Mais les labos qu’on voit dans ces types d'événements ne travaillent pas à la cure du diabète. Rien que de savoir cela devrait tous nous faire fuir.

     

    La vexation de certains patients autour de notre article montre à quel point les réseaux sociaux éloignent les personnes vivant avec un diabète des priorités réelles.

     

  • Pourquoi ces évènements séduisent autant ?

    Parce que nous sommes nombreux à nous sentir seuls, fatigués, perdus. Parce que les espaces de parole non marchands manquent cruellement. Parce que les lieux où l’on peut souffler, se retrouver, partager, sont rares.

     

    Et c’est bien pour cela que ces initiatives qui “font du bien” prospèrent. Le problème, ce n’est pas de se réunir. C’est important de partager des bons moments autour du diabète. On en a besoin. Le problème, c’est de livrer ces espaces aux intérêts commerciaux. C’est d’aggraver, sans le vouloir, nos difficultés, en renforçant notre dépendance à ceux qui vivent de notre maladie. C’est de ne pas voir que l’on participe, d’une certaine manière, à entretenir un système qui ne fait pas de la guérison du diabète sa priorité.

     

    En 2025, il doit être encore possible d’organiser des cercles de parole sans sponsor, des salons sans labos, des journées sans lien d’intérêts. 

     

    À ce sujet, de nombreuses associations de patients dénoncent ces pratiques de la part des acteurs économiques. Dans le cancer, il y a Rose Up, pour les patients dialysés il y a Renaloo, dans le diabète, il y a Diabète et Méchant… Ces associations se sont regroupées sous la bannière d’Action Patients, qui veut représenter les patients auprès des pouvoirs publics. 

     

    Les critiques à l’égard de l’influence des laboratoires et des prestataires de santé ne sont pas nouvelles. Depuis les différents scandales sanitaires qui ont secoué la France (Thalidomide, sang contaminé, Distilbène, hormones de croissance, Dépakine, Isoméride…) des initiatives ont émergé, comme la revue médicale Prescrire, ou bien le Formindep, qui veut assurer “une formation médicale indépendante au service des seuls professionnels de santé et des patients”.

     

    Pourquoi le diabète échapperait-il à cette vigilance ?

     

  • Conclusion : continuer à parler, même quand ça pique

    Critiquer n’est pas un manque de bienveillance. C’est un acte de santé publique, un acte politique, un acte patient.

     

    À Glucose toujours, notre responsabilité est de poser les questions qui fâchent, même si cela secoue nos courbes et celles de nos interlocuteurs. 


    Parce que si l’on ne peut plus débattre entre diabétiques, sans menace, alors qui défendra vraiment nos intérêts ? Et surtout : à qui profitent vraiment ces évènements ?

     

    Écrit par Nina Tousch, Ana Waalder, Matthieu Colange, Nolwenn Pamart, Hélène Joubert, Sophie Duméry, Palma de Toldi

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